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Sensations de Nouvelle-France

geant, parfois assez avant dans la nuit, en vagues songeries envolées, éparpillées avec la cendre d’un dernier cigare. J’aurais aussi, certes, d’autant plus tort de ne pas être fidèle à ce poste d’observation, que je trouverais difficilement ailleurs, je crois, endroit mieux agencé pour y exercer à loisir ma manie psychologique. Non seulement on y coudoie tout Québec, défilant en un kaléidoscope bien vivant, mais c’est le peuple canadien-français même que l’on touche de près, comme si, affluant naturellement vers cette vieille ville, qui est le cerveau du pays, il s’y fût concrétionné en un microcosme compact et bien complet.

Quelle est la dominante, c’est-à-dire la caractéristique de ces Français d’Amérique, en voie peut-être présentement de former un peuple nouveau, et quelles transformations l’éloignement, le temps, l’assujettissement étranger, l’influence de choses extérieures nouvelles, ont-ils pu apporter chez tous ces descendants de Normands, d’Angevins, de Picards, que je vois là s’agiter, passer et repasser sous mes yeux ? Tâche certes attachante, et bien digne d’arrêter l’attention du voyageur.