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Page:Clar - Les Jacques, 1923.djvu/114

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LES JACQUES

Alors que trop de fois ses collègues se détournaient du « commun » avec indifférence et dédain, il suivait, d’un œil attentif, la poussée de colère qui, depuis les désastres de la guerre de Cent ans, celui de Poitiers surtout, fermentait et menaçait d’explosion. Il tenait en dignité d’être de cette association, qui, des bourgeois instruits aux manants affligés d’ignorance, jetait dans ces mondes divers mille ramifications. Ceux-là écoutaient avec fièvre la chanson de L’Alouette. Surgie on ne savait d’où, peut-être en fantaisie autour du nom de Guillaume Lalouette le Laboureur, elle ralliait les conjurés et aussi le serment que du Beauvoisis au Gâtinais, Guillaume Karlot exigeait pour engagement à ses envoyés.

En son logis, austère, mais de confort précieux, et qu’il habitait avec Barbe, sa vieille domestique, maître Flamand attendait ses familiers. Philippe de Haume, son plus intime ami, se trouvait déjà là. Nicole Flamand portait grande houppelande de bure, haute ceinture de cuir et bonnet de velours. Une longue barbe grisonnante, un front haut, des sourcils épais couvrant à demi les yeux gris bleu, il avait l’abord un peu sévère qu’adoucissait l’immense bonté du sourire. Familière et bourrue, Barbe introduisait les visiteurs qu’elle allait quérir au bout du corridor dallé, munie d’une lanterne et d’un bâton. Le bâton était à l’usage des malandrins, écoliers souvent, s’amusant à souffler la lanterne quand elle la levait pour reconnaître

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