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Page:Clar - Les Jacques, 1923.djvu/48

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LES JACQUES

et les paysans rançonnés. J’ai vu souvent les branches d’arbres porter davantage de pendus que de fruits. J’ai vu les vilains se battre contre l’Anglais avec plus de courage que leurs nobles maîtres. Je les ai vus, pour récompense de leur vaillance, livrés à l’ennemi, deux à deux, les fers aux mains, les entraves aux pieds comme des bêtes de somme, accablés de coups et d’insultes, tandis que le seigneur se faisait prisonnier.

— Partout les mêmes ! gronda Frappe-Fort.

— J’en connus un, pourtant, qui prit la défense des pauvres ahaniers. C’était un Breton nommé de Beaumanoir. L’Anglais Bemborourg tenait garnison à Ploermel et pillait, ardait et dérobait sur toute la province. Un jour que Beaumanoir rencontra une troupe de paysans maltraités et bafoués par des soldats, il se mit en terrible courroux et s’en fut trouver l’Anglais en son repaire.

Dans la forge, Le compagnons demeuraient haletants au récit de Rouge Le Bâtard.

— Alors ? questionna Grégoire.

— Alors, sans trembler, le sire de Beaumanoir dit à Bemborourg : « Chevalier d’Angleterre, vous êtes grandement coupable de tourmenter de la sorte ceux qui sèment le blé et nous procurent la viande et le vin. Je vous le dis, s’il n’y avait pas de laboureurs, ce serait nous les nobles qui travaillerions la terre, manierions le fléau et la houe et vivrions dans la pauvreté. Laissez-les demeurer

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