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Page:Clar - Les Jacques, 1923.djvu/60

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LES JACQUES

La maison de Guillemette se distinguait de ses voisines par un peu moins de saleté environnante. Le fumier n’est pas sain, dit un proverbe d’alors, mais où il tombe, il fait miracle, et le miracle se répétait avec quelque prodigalité. Il n’y avait pas, à la porte de Guillemette, le tas de fumier qui croupissait devant les autres, et où se vautraient des porcs. Un grand auvent de chaume la protégeait du vent et de la pluie. À son côté, un appentis servait d’atelier à Guillaume le menuisier qui dégrossissait le bois, taillait bancs et bahuts. L’étroite et unique fenêtre accordait un peu de jour à l’intérieur, mettait une lumière avare sur une table massive, un banc, quelques écuelles et pots rangés et propres. Une mèche de coton trempant dans une bouteille de terre emplie d’huile tenait lieu de lampe. Contre la cheminée haute et large, où brûlait un feu de bourrées, remplissant de fumée le logis, sur un lit de feuilles séchées, gisait un adolescent. Des cheveux d’un châtain doré et qui bouclaient, entouraient un haut front pâle. Ses yeux caves brillaient d’un gris profond, dans l’ovale amaigri, pourtant très pur du visage. De ses lèvres bellement dessinées s’échappaient des paroles sans suite, nées du tourment de la fièvre. Le jeune malade possédait la beauté de ces figures pensives, que peignirent les Primitifs. Mais quelque mal rongeait le corps affaibli de la pitoyable nourriture dont souffrit le moyen âge roturier.

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