Page:Claretie - Catissou, 1887-1888.djvu/7

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III

« Vous imaginez bien qu’on fit tout ce qu’on put pour retrouver la canaille qui avait envoyé le brave homme à Louyat. On appelle comme ça le cimetière à Limoges. « Ça vient d’Alleluia, » m’a dit le curé. Oui, on fit tout ce qu’on put. Mais, je vous le répète, et les indices ? Il n’y avait pas d’indices ! Il avait bien cette main, comme Catissou me l’apprit à la caserne, mais on ne connaissait personne dans le pays, qui eût une main comme ça. On l’aurait su. On avait interrogé l’un après l’autre tous les maçons qui travaillaient avec le père Coussac. « Ils ne connaissaient pas de compagnon ayant une patte pareille. » Il n’y avait pas à les soupçonner, eux. Tous de braves gens, archi-connus : aimant un peu à arroser de piquette les châtaignes blanchies ; mais voilà tout. La piquette n’est pas un crime. D’ailleurs, ni les uns ni les autres ne savaient que M. Sabourdy avait confié à Coussac d’autre argent que celui de la paye… Sacrebleu, quel était donc le gredin qui pouvait avoir une griffe comme celle que Catissou avait aperçue ?

« Un jour, un garçon boucher de la rue Aigueperse vint nous dire qu’il se rappelait fort bien avoir eu, une fois, une querelle avec un grand gars, l’air mauvais, qui avait tiré son couteau ; et le garçon boucher avait remarqué qu’en prenant dans sa poche ce grand couteau de Nontron, l’individu lui avait paru avoir une main toute drôle, une grosse main velue avec quatre doigts de même grandeur… Un phénomène, quoi !… Or, le couteau qui avait tué Léonard Coussac était un couteau de Nontron… Mais le boucher ne savait pas d’où sortait ce gaillard-là. Et personne, personne autre que ce garçon ne l’avait vu à Limoges, et c’était à croire que, sauf votre respect, ce farceur de boucher blaguait… Et l’on cherchait toujours ! Et on battait les buissons comme pour un gibier ! Et l’on revenait bredouille ! Et je rageais, moi, pour ma part, je rageais, car j’avais dit à Catissou, en la regardant bien :

« — Voyons, demoiselle Catissou, répondez franchement ; qu’est-ce que vous donneriez à celui qui vous amènerait par le cou l’assassin de votre père ?

« Elle n’avait pas répondu, Catissou, mais elle était devenue blanche comme une assiette, et si vous aviez vu ses yeux, ses beaux yeux noirs ! Ils pleuraient… Ils pleuraient… et ils promettaient. Seulement, tout ça ne me faisait pas découvrir la canaille.