Page:Claretie - Fr. Coppée, 1883.djvu/22

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rence lactée par la lune et les coupoles se détachant sur le ciel bleu. Elle songe, elle s’ennuie. Le faux amour dont on l’entoure, les hommages dont on la fatigue ont enfin lassé la Sylvie, qui regrette maintenant le passé peut-être, et qui n’a même plus de larmes pour sa mélancolie, de pleurs pour sa souffrance. Il faut l’entendre interroger son cœur triste et glacé ; il faut écouter cette langue ferme et sonore à laquelle le théâtre ne nous accoutume point, et qui soudain vous transporte, heureux et charmés, au pays des rêves.

Il me semblait revoir ces claires nuits florentines, ces nuits d’été bleues et parfumées, où du haut des terrasses de l’Ombrellino — la ville de Galilée — nous regardions voleter, se mêler, étinceler, s’élancer les gerbes de lucioles, pareilles à des essaims d’étoiles. C’est bien là un rêve italien, ce Passant, le songe d’une nuit amoureuse, une vraie chanson de poète entendue au bord de l’Arno, à la saison des roses.

Sylvia rêve et le poète passe. Le poète est un enfant. Il a seize ans, il porte ce gracieux costume des fresques de Ghirlandajo et de Botticelli. Vêtu de serge, il tient à la main sa guitare, il a jeté sur son épaule son manteau brun. Un banc ! il s’arrêtera là, il y dormira au bon vent, à la belle étoile. Tout à l’heure Sylvia était demeurée attentive et troublée, entendant venir le refrain du chanteur, ce refrain fleuri comme une strophe de Rémi Belleau, le gentil Belleau.

François Coppée songe, d’ailleurs, avec attendrissement à ce soir déjà lointain qui fut comme le lever de soleil de sa gloire. Le mot de Vauvenargues sur les premiers feux du jour aura sa poésie éternelle. « Et cependant, disait[1] un

  1. Dans le journal la Gironde scientifique et littéraire.