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HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE FRANÇAISE


Une autre malice des forains fut d’imaginer les pièces à jargon.

Puisque la Comédie-Française interdisait le dialogue, on fit des pièces à monologues. Un seul personnage parlait intelligiblement. Son interlocuteur n’émettait que des sons inarticulés. Un seul parlait, il n’y avait pas dialogue, les Romains, (c’était le surnom des Français) ne pouvaient sévir. Dans une pièce chinoise de Lesage, on voit, par exemple, en scène Arlequin et Colao. Voici la manière :

COLAO

Oh ! oh ! oh !

ARLEQUIN

Piaît-il ? Comment dites-vous cela ? Ma charge m’oblige à regarder l’Empereur dîner ? Pour prendre garde à ce qu’il a mangé ? Pour qu’il no mange pas trop ?

COLAO

Oh ! oh !

Le dialogue continue ainsi ; nous n’entendons qu’une des deux parties, comme au téléphone.

Parfois encore, l’acteur, après avoir parlé, se retirait dans la coulisse, tandis que son interlocuteur venait en scène donner la réplique, puis se retirait à son tour.

Les directeurs forains ne se tirèrent de ce pas qu’en remplaçant le dialogue par des couplets, pour désintéresser les Romains, et en payant un tribut annuel à l’Opéra, pour l’indemniser de la concurrence.

Les principales loges étaient celles de Rochefort et Tiquet (1703-1708), celle de Pollegrin (1711-1718), et surtout celle des sieurs Bertrand, Dolet, Laplace et Selles et de la dame de Beaune, sœur de l’acteur Baron.

Les meilleurs auteurs ont travaillé pour le théâtre de la Foire : Lesage, Dorneval, Fuzelier, Piron, Anseaume, Panard, Sedaiiie, Favart. L’Opéra-Comique eut dès le berceau d’illustres parrains.

Il paraissait dans un cadre agréable ; la décoration et la mise en scène étaient importantes, la figuration était nombreuse. Les opéras-comiques se terminaient par des divertissements qui faisaient prévoir les ballets de l’avenir.