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LA VIE MODERNE

l’Adultère. Il y a là trois maris à la fois — pas un de moins — qui partagent le sort de Georges Dandiri. Aucuq d’eux n’est, au surplus, ridjcile, et maître l^éraphin devenu fuu^ aussi bien que M. Gerbaud qui tue sa femme et l’amant de sa l’emme, et M. Mauclerc qui, pour un peu, enverrait la sienne a l’écliafaud, n’ont semblé plaidants au public. J’aurais volontiers affirmé que M. Théo lore Barrière s’était, en compagnie de M. Léon Beauvallet, donné le plaisir de faire à l’Ambigu de la morale par l’effroi, si, en compagnie de M. E. Labiche, il ne s’était offert par contre la satisfaction de rire un peu au Palais-Royal de ces maris qui égayaient si fort Molière, et après Molière, Gavarni.

Quelle singulière chose que l’optique du théâtre et quelle bizarrerie que cette démarcation entre les genres divers ! L’adultère, flétri par le drame, est excusé par le vaudeville. C’est une simple affaire de quartier comme 1-^s vêtements sont une affaire de latitude. Mauclerc, que sa femme trompe, et qui nous émeut au boulevard, nous fait, sous le pseudonyme de Brosselard, éclater de rire au Palais-Royal. M. Théodore Bariière qui, dans le Crime de Faverne, conclut au renvoi de Jeanne Mauclerc devant la cour d’assises, fait dire à quelqu’un dans le Papa d’un prix d’honneur, en parlant d’Hermance Brosselard, plus coupable certes que Jeanne cent fois : — « Avec un tel mari, ce n’est pas une faute, c’est un devoir ! »

Vérité en deçà, erreur au delà. Georges Dandin paraît ridicule avec le nez d’Hyacinthe, il devient terrible avec le regard de Frederick. Ce qui semblerait indiquer d’ailleurs que nos sentiments sont assez ondoyants et que notre pitié qu’a qu’une valeur médiocre. Où souffre le personnage tragique, pourquoi le comique ne souffrirait-il pas ?

Il ne s’agit, bien entendu, ici que de la vie. C’est toute autre chose que le théâtre ! Tel qu’on plaindra fort s’il vous raconte ses mésaventures dans la rue ou seul à seul vous paraîtra niais absolument s’il vous fait, dans les mêmes termes, ce même récit sur la scène. Ce n’est que par la réflexion que Sganarelle nous semble à plaindre. Dès qu’il nous entretient publiquement, avec une mine dolente, de ses malheurs conjugaux, nous sommes instinctivement portés à nous moquer de lui. Et comme les auteurs comiques savent exploiter ce sentiment de moquerie qui est en nous si ancré ! Toutes leurs pièces, par une singulière con—