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Page:Claretie - Petrus Borel, le lycanthrope, 1865.djvu/73

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Pétrus Borel ne se contente pas de l’exposer à la Morgue, puis de l’enterrer ; il lui fait faire son testament, et Dieu sait quelles aimables réflexions il lui dicte !

J’en copierai quelques-unes. Elles peuvent faire une suite sinistre à l’Album d’un pessimiste d’Alphonse Rabbe :

On recommande toujours aux hommes de ne rien faire d’inutile ; d’accord, mais autant vaudrait leur dire de se tuer, car, de bonne foi, à quoi bon vivre ? Que quelqu’un me prouve l’utilité de la vie, je vivrai…

Le penser qui m’a toujours poursuivi amèrement, et jeté le plus de dégoût en mon cœur, c’est celui-ci : qu’on ne cesse d’être honnête homme seulement que du jour où le crime est découvert ; que les plus infâmes scélérats dont les atrocités restent cachées sont des hommes honorables, qui hautement jouissent de la faveur et de l’estime. Que d’hommes doivent rire sourdement dans leur poitrine, quand ils s’entendent traités de bons, de justes, de loyaux, de sérénissimes, d’altesses !

Si du moins les hommes étaient classés comme les autres bêtes ; s’ils avaient des formes variées suivant leurs penchants, leur férocité, leur bonté, comme les autres animaux ! S’il y avait une forme pour le féroce, l’assassin, comme il y en a pour le tigre et la hyène !