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Page:Claude ANET-les rose d Ispahan la perse en automobile.djvu/31

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sert un dîner très convenable qu’arrose un vin de Bessarabie délicieux.

L’état moral de notre troupe est excellent. Comme nous avons bien fait de partir, de ne pas écouter les prophètes de malheur qui nous prédisaient dès le début les pires calamités !

15 avril — Nous nous levons à sept heures pour une grande journée en automobile. Nous avons deux cent cinquante kilomètres à faire pour aller coucher à Ackermann, grande ville à l'embouchure du Dniester, comme chacun le sait et comme je viens de l'apprendre Emmanuel Bibésco a étudié les cartes et tracé la première étape.

L’expérience d’hier nous a enseigné qu’il ne faut pas songer à faire de la vitesse à travers champs, et, qu’en cas de pluie, on ne peut rouler.

Dès le lever, nous consultons mon petit baromètre de voyage. Hélas ! il est en baisse, à 750 millimètres. Des gens sages auraient pris le train à Bolgrade pour Odessa, Mais nous n’avons pas quitté Paris et nos affaires pour être sages ; il ne pleut pas encore, nous traverserons ce pays en automobile !

Nous partons à neuf heures, en retard, car nous ne savons pas encore le temps qui est nécessaire pour faire et arrimer nos vingt-huit colis à main à bord des autos. Lorsque nous le saurons, cela sera du reste la même chose, et nous continuerons à partir en retard parce que nous en aurons pris l’habitude.

Nous gravissons une haute colline qui surmonte Bolgrade, et bientôt la Bessarabie ondule devant nous, déserte et sans arbres ; les lignes arrondies des collines sont brisées ici et là par un tertre, tombeau ou les chefs scythes se faisaient enterrer debout, chevauchant leur cheval de guerre, ou par un ancien poste d’observation des phalanges de Trajan. La grande paix romaine s’est étendue jusqu’ici ; deux vallonnements qui courent de l’est à l'ouest marquent encore l’ancienne frontière de l’Empire ; au delà c’étaient les barbares Sarmates.

Les champs d’une terre noire, les prés pelés s’en vont sans fin, sans un arbre, sous le ciel d’un gris perlé délicat. Les grands paysages ras s’étendent à l’infini. On voit à une lieue la silhouette d’un berger qui s’enfuit à notre approche ; puis c’est une nouvelle ondu-