Page:Claude Boyer - Les amours de Jupiter et de Sémélé, 1666.djvu/44

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Rire des beaux desseins d’un fol ambitieux,
Et préparer sa chute en l’élevant aux Cieux ;
Tout rempli de nectar dans une paix profonde,
D’un branlement de tête ébranler tout le monde ;
Faire de ses désirs sa raison et ses lois ;
Se jouer à son gré des peuples et des Rois ;
Voir les mortels brouillés dans toutes leurs prières ;
Leur voir pousser des vœux l’un à l’autre contraires ;
Confondre leurs projets et d’une même main,
Aujourd’hui les flatter et les punir demain ;
Et sur cette conduite inégale, incertaine
Ouïr les sots discours de la prudence humaine ;
Voilà de Jupiter les doux amusements.

JUPITER.

J’en trouve dans l’amour qui sont bien plus charmants :
Quand l’amour dans un cœur met toute sa tendresse…

MOMUS.

C’est avec ce beau nom qu’on cache sa faiblesse.

JUPITER.

S’il est quelque faiblesse à se laisser charmer,
Que ne suis-je plus faible afin de mieux aimer ?
Ou s’il faut souhaiter une chose impossible,
Que ne suis-je moins Dieu pour être plus sensible ?
Mais j’ai tort de parler à qui n’aima jamais :
Ne combats plus ma flamme et sert-la désormais ;
Momus tu tiens ici la place de Mercure.

MOMUS.

Oui grâce à vos bontés et ma gloire en murmure ;
Votre ordre malgré moi m’employant en ce jour,
Fait d’un censeur des Dieux un confident d’amour.

JUPITER.

C’est pour tromper Junon qu’aujourd’hui je t’emploie,
Tu sais qu’incessamment elle trouble ma joie,
Et du subtil Mercure appréhendant l’emploi,
Il lui serait suspect s’il était près de moi.