Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/126

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figie casquée d’Albion, — c’étaient des yens japonais et des taëls de Chine, où s’enroulent des dragons de cauchemar, — c’étaient surtout des piastres mexicaines, portant à la face l’aigle de liberté vainqueur du serpent et au revers, le bonnet phrygien nimbé ; — toutes monnaies épaisses et larges pesant leur valeur d’argent pur. Beaucoup de pièces étaient neuves, parce que sans cesse le Mexique fait ruisseler le trop-plein de ses mines sur les deux rivages du Pacifique ; mais la plupart étaient vieilles, usées, noircies, maculées d’encres grasses par les tampons mystérieux des changeurs chinois ; celles-ci, certes, avaient passé dans beaucoup de mains jaunes et rapaces, s’étaient cachées au fond de beaucoup de bourses extraordinaires, avaient acheté force marchandises ignorées de l’Europe, et conclu d’étranges marchés que l’Occident n’imagine pas. Elles venaient peut-être du Tchi-li glacé, du Kouang-Toung où les femmes ne serrent pas leurs pieds dans des bandelettes ; — elles venaient du Yunnam aride, du Chin-King où naissent les Empereurs ; — elles venaient peut-être de plus loin, des provinces reculées et secrètes où se retranche la plus vieille Chine, du Sze-Tchouen où pullulent les hommes, du Kan-Sou presque tartare, du Chen-Si qui est un cimetière de capitales préhistoriques ; — elles venaient de tous les recoins de l’Empire colossal où les Chinois sans nombre s’agitent, et vendent, et achètent, et ne se lassent pas de s’enrichir.

— « Vous qui faites profession de mépriser les