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XVI

… Ce matin, je traversais en calque le Bosphore. J’avais passé la nuit, dans mon harem de Skutari, et je regagnais ma maison de Stamboul, où j’écris ce livre. Mes caïkdjis ramaient sans bruit, les muscles de leurs bras gonflant leurs manches blanches ; et le caïque glissait sur l’eau sans même la rider.

Le soleil était déjà haut. Mais une barre de nuages le cachait, et la lumière matinale n’était que terne et blafarde. Stamboul, entre le ciel pâle et la mer grise, était comme une ville du Nord.

Je voyais cependant Sainte-Sophie la gigantesque, et le bariolage jaune et rouge des remparts qui lui servent de contreforts ; je voyais le poème en pierres des murailles byzantines que les hommes ont crénelées par en haut, et la mer par en bas ; je voyais l’infinité des maisons turques, dont les vieilles planches sont violettes comme un sous-bois d’automne ; et je voyais les mosquées sans pareilles au monde, dont chacune a vidé le trésor d’un empereur,