Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/22

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transparente, s’empourprait aux plus minimes émotions.

— « Henri, dit-elle, à quoi songez-vous là ! »

Il lui mit au front un baiser confiant.

— « Je songe… que vous êtes un amour de petite fille… et je vous laisse. — Les impôts me réclament. Restez avec votre monsieur, et rabrouez-le s’il vous ennuie. Après tout, ce n’est pas de sa faute, à ce malheureux, s’il se trompe d’adresse. Une femme comme vous à Saïgon, ma chérie, c’est tellement paradoxal ! »

Il croisa Mévil dans l’escalier.

— « Docteur, bonsoir, lui dit-il de son habituel ton bref, très différent de la voix tendre dont il venait de caresser sa femme. Montez, on vous attend là-haut. Seulement, pas de blagues, hein ? Je-ne-veux-pas qu’une seule pilule de votre sacrée cocaïne entre chez moi. Hein ? »

Mévil protesta de la main.

« Bon, c’est entendu. — Pas un milligramme. — Ma femme n’est pas encore détraquée, et si vous le voulez bien, nous la laisserons comme elle est — Au revoir. Très content de vous avoir rencontré. »

Il s’en alla à pas robustes, — des pas qui sonnèrent impérieux sur les degrés de marbre ; — il s’en alla sans se retourner.