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XXVIII

À Saïgon, l’anxiété première s’était changée en curiosité, puis la curiosité en indifférence.

C’était trop long, cette révolte ; — et puis trop lointain : la guerre s’éternisait au fond du Cambodge, dans ces forêts marécageuses que personne n’avait jamais vues. — Une semaine, on s’était inquiété, troublé même. La vie maintenant recommençait, insouciante et nonchalante.

La saison chaude arrivait, la saison des pluies, du paludisme et de la dysenterie. Bientôt Saïgon serait an marécage, — ses belles routes rousses plaquées de glaise, ses jardins salis d’eau jaune ; il tomberait deux averses par jour, soir et matin, à heures fixes ; et ce serait fini des promenades, des tennis et des bals sous les étoiles. Il fallait jouir en hâte des derniers beaux jours, se rassasier de fêtes et de joies. On n’y manqua point. Saïgon vécut gloutonnement. L’histoire des villes est féconde en exemples de ce fait : que les catastrophes imminentes engendrent