Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/273

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ses doigts dans une sarabande de notes burlesques, brusquement achevée, sans transition, par une phrase en mineur, mystérieuse.

Elle se moquait de lui ; il s’irrita.

— « Je n’entends rien aux sonates. Celle-ci, que veut-elle dire ? oui, ou non ? »

Elle pivota sur son tabouret, et lui fit face :

— « Êtes-vous sérieux ?

— Plus que je n’ai jamais été.

— Vous voulez m’épouser ?

— Je ne veux pas autre chose.

— Pour tout de bon, sans rire ? »

Il crut à une coquetterie.

— « Sur mon honneur, dit-il chaleureusement, vous me ferez, en m’accordant cette main-là, la plus royale charité d’amour qu’une femme ait jamais pu faire ! »

Elle fit une moue de regret poli.

— « Voilà qui est bien dommage ; car cette charité, je ne peux pas vous la faire.

— Pourquoi ?

— Parce que. — En vérité, je ne peux pas. »

Il ne s’attendait pas à ce qu’elle tombât dans ses bras. Les femmes ne disent oui qu’une fois ; il le savait mieux que personne.

— « Mademoiselle, — il était debout, prêt à se retirer, — daignez m’écouter ; ceci n’est pas un jeu, il y va de mon bonheur et peut-être du vôtre. Vous savez qui je suis, mon nom, ma situation, ma vie ; j’ai de l’argent, sinon de la fortune ; la femme que j’épouserai sera heureuse de plus d’une manière.