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Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/281

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— « Je ne sais pas… »

Il prit la main que lui tendait Fierce, et tout d’un coup s’y accrocha comme un noyé.

— « Tu es malade, » fit l’autre, oubliant sa propre détresse ; et il le ramena chez lui, le soutenant. Mévil marchait docilement, sans rien dire. Fierce toucha ses vêtements, trempés de pluie.

— « Tu as reçu l’averse ? Que diable t’est-il arrivé ?

— Rien. »

Rue d’Espagne, Mévil faillit passer sans reconnaître sa porte. Mais dans sa chambre, parmi ses meubles, ses bibelots, le décor familier de sa vie imprégné de son parfum à lui, il se ressaisit peu à peu et reprit ses sens. Aux questions de Fierce, il répondit alors des phrases vagues. Il avait changé d’habits, et s’était assis, taciturne. La nuit venait sans qu’il songeât à faire éclairer.

Torral arriva là-dessus. Inquiet de son convive, il le relançait à domicile.

— « C’est un tombeau, cette chambre ! »

Il tourna lui-même un commutateur, vit Fierce et lui dit bonsoir. Mévil était encore très pâle et parlait à peine. Torral à son tour s’étonna.

— « Tu allais très bien tantôt ? Bah ! viens dîner quand même.

— Il ne peut pas, dit Fierce ; tout à l’heure, il trébuchait dans la rue. »

Mévil fit un effort, et se leva :

— « J’ai eu un étourdissement. Mais c’est passé, ou presque. Quand même, j’aime mieux ne pas sortir