Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/285

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coup de la baignoire, et peu de leurs répliques ; mais Saïgon est fait à ces choses : personne ne remarqua rien.

Dans la victoria, on pouvait tenir quatre, en se serrant, et il s’agissait d’être cinq ; Mévil parla d’une seconde voiture ; mais ils n’en trouvèrent pas. Fierce s’était enfoncé sous la capote. Ils attendirent un quart d’heure ; puis les femmes sortirent, courant comme des souris ; elles avaient à peine pris le temps d’ôter leur fard, et s’étaient encapuchonnées jusqu’aux yeux : tout ce mystère les amusait fort. Elles s’engouffrèrent dans la voiture ; Fierce n’eut pas le temps de se lever : elles s’asseyaient à côté de lui, l’une à droite, l’autre à gauche, tandis que Mévil et Torral s’emparaient du strapontin. La Victoria partit avec un cahot brusque. Fierce sentit et reconnut la hanche d’Hélène contre sa hanche ; en même temps, l’autre femme se retint à son genou, d’une main malicieuse qui multipliait l’attouchement. — Et lui, troublé, eut envie de l’une et de l’autre, en dépit d’une grande honte amère qui bouillonnait au fond de sa conscience.

Il faisait une sombre nuit. Des éclairs silencieux rayaient l’ouest. Un vent mouillé venait de là-bas, chaud comme l’haleine d’une bête.

— « J’étouffe, » dirent les femmes, et elles se dégrafèrent. Un sein moite appuya sur l’épaule de Fierce ; à travers la toile mince de son smoking, il compta les palpitations de cette poitrine nue. Un bruit de baisers chantait dans la voiture noire : Mévil sur la bouche d’Hélène recherchait sa virilité d’autrefois.