Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/332

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XXXVI

Du torpilleur presque englouti, Fierce, galvanisé, regarde et boit sa revanche.

Le King-Edward agonise. D’abord, on n’a rien perçu qu’un grand tumulte a son bord, — des cris, des coups de sifflets, des ordres, un brouhaha d’angoisse que la brise a porté jusqu’aux oreilles du vainqueur comme une adorable musique. Puis l’énorme coque a vibré tout à coup d’un frisson prodigieux. Les projecteurs électriques, tous immobiles depuis l’explosion, et découpant çà et là, sur la mer ou dans les nuages, des disques de rayons blancs, recommencent à s’agiter lentement, tous ensemble, comme si le navire, sur cette mer paisible, était pris d’un roulis inquiétant. — Oui, le King-Edward roule. Des grappes d’hommes apparaissent maintenant au-dessus des bastingages, et enjambent les lisses pour se jeter à la mer. — Le cuirassé s’incline sur tribord, bas, très bas, plus bas encore, sans se relever. Le plat-bord plonge dans l’eau. Une seconde, le pont se voit tout