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IX

Dans la chambre endormie, l’ordonnance de Fierce entra, — un petit matelot pieds nus, en tricot rayé à manches courtes. Et proprement, il fit le ménage, silencieux comme une souris. La chambre était fort bouleversée : sans doute s’y était-on couché à tâtons, sans le plus léger souci des vêtements arrachés et jetés à terre, non plus que du fauteuil unique culbuté pieds par-dessus bras. Mais l’instant d’après, l’ordre régna. Sur le siège décemment relevé, d’autres vêtements s’étalèrent, immaculés ; un veston frais repassé s’orna à l’ordonnance de ses attentes d’or, de ses galons et de ses boutons à ancres. La toilette fut pourvue d’eau, le tub rempli, les éponges sorties des filets, les flacons alignés en colonne. Et, tout disposé, le petit matelot parla d’une voix bretonne :

— « Lieutenant ! Sept heures trente. »

Les paupières violettes battirent, et les yeux luirent comme deux lampes dans la nuit. Tout de suite, Fierce fut lucide et d’esprit net : l’opium est un antidote