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écoliers par la raison qu’étant un des premiers de la classe il estoit le plus vertueux et le plus sage ayant une extrême aversion pour les péchés qui sont familiers et presque naturels aux dits escoliers tels que sont le mensonge, la médisance et le libertinage.

Comme il ne prenoit plaisir que dans les discours de piété il avoit une merveilleuse addresse pour les faire couler aggréablement dans la conversation. Il s’y entretenoit avec beaucoup de douceur et beaucoup de prudence et avec tant de satisfaction de ceux qui avoient l’avantage de l’entendre qu’il inspiroit la dévotion sans être importun.

Après avoir achevé ses humanités il eut quelque désir de se faire Jésuite mais sa famille ayant détourné ce dessein à cause de sa jeunesse il fut envoyé à Paris pour étudier en droit où il réussit d’une manière si particulière qu’il fut advocat à l’aage de 17 ans et demy.

Un jeune homme de province étant venu demeurer dans sa pension le dérangea un peu car, s’étant adroitement insinué dans son esprit et ayant gagné son cœur, il le porta à se relascher de ses études et de son règlement de vie en sorte que, sous prétexte de le ménager, il luy inspira l’amour de la promenade, de la conversation et mesme de la comédie, si bien qu’il fit l’expérience de la foiblesse de l’homme et se laissa aller au penchant de la nature.

Le Seigneur ayant envoyé une maladie de langueur à Nicolas Beuvelet son père, le fils fut mandé par son ordre jour le venir assister, ce qu’il fit. Il eut la consolation de le voir dans de cuisantes douleurs et des souffrances violentes qui servirent à le convertir et à le tirer du péril dans lequel il auroit pu se perdre. Cette maladie dura six mois pendant lesquels ce pauvre malade, qui était fort riche, fit des aumones presque incroyables, nourrissant quantité de pauvres honteux, aydant les soldats qui passoient fréquemment à Marle et donnant du pain 3 fois la semaine à plus de trois cents pauvres. Après avoir receû plusieurs fois les sacremens de pénitence et d’eucharistie, la maladie se trouvant notablement augmentée, il receut l’extrême onction et mourut le 15e de décembre à l’aage de 61 ans après avoir édifié toute la ville par des exemples de vertu et d’une patience extraordinaire et digne d’admiration.

[p. 679] Pendant que son père était malade, il fut envoyé par ses ordres à une demy lieue de Marle en la compagnie des sieurs Vuanet, ses oncles maternels. Le tems étoit for serein et agréable mais il changea en un instant et devint tellement obscur, accompagné d’un vent impétueux meslé d’éclairs et de tonnerre que […] pour prévenir la violence de ce vent ils se serrèrent très étroitement et s’attachèrent de telle manière qu’ils espéroient luy résister. Nonobstant cette précaution il survint un tourbillon qui arracha Mattieu Beuvelet d’entre les bras de ses oncles et l’enleva à perte de vuë dans un endroit fort esloigné ou, éclairé « d’une lumière extraordinaire il connut qu’il n’était pas dans l’état dans lequel Dieu le demandoit, ce luy fit sentir