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LE JOUR DE LA FÊTE-DE-TOUS-LES-FLEUVES


Le jour de la fête-de-tous-les-fleuves, nous sommes allés souhaiter la sienne au nôtre, qui est large et rapide. Il est la sortie du pays, il est la force incluse en ses flancs ; il est la liquéfaction de la substance de la terre, il est l’éruption de l’eau liquide enracinée au plus secret de ses replis, du lait sous la traction de l’Océan qui tette. Ici, sous le bon vieux pont de granit, entre les bateaux de la montagne qui nous apportent les minerais et le sucre, et, de l’autre côté, les jonques de la mer multicolore, qui, prises à l’hameçon de l’ancre, dirigent vers les piles infranchissables leurs gros yeux patients de bêtes de somme, il débouche par soixante arches. Quel bruit, quelle neige il fait, quand l’Aurore sonne de la trompette, quand le Soir s’en va dans le tambour ! Il n’a point de quais comme les tristes égouts de l’Occident ; de plain-pied avec lui dans une familiarité domestique, chacune y vient laver son linge, puiser l’eau de