Page:Claudel - Connaissance de l’est larousse 1920.djvu/51

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la plus haute partie du ciel. Voici maintenant qu’il incline sa course et la Terre s’ouvre pour le recevoir. La gorge qu’il va emboucher, comme dévorée par le feu, disparaît sous les rayons plus courts. La montagne où a éclaté un incendie envoie vers le ciel, comme un cratère, une colonne énorme de fumée, et là-bas, atteinte d’un dard oblique, la ligne d’un torrent forestier fulgure. Derrière s’étend la Terre de la Terre, l’Asie avec l’Europe, l’élévation, au centre, de l’Autel, la plaine immense, et puis, au bout du tout, comme un homme couché à plat ventre sur la mer, la France, et, dans le fort de la France, la Champagne gautière et labourée. L’on ne voit plus que le haut de la bosse d’or et, au moment qu’il disparaît, l’astre traverse tout le ciel d’un rayon noir et vertical. C’est le temps où la mer qui le suit arrive et, se soulevant hors de son lit avec un cri profond, vient heurter la Terre de l’épaule.

Maintenant il faut rentrer. Si haut que je dois lever le menton pour la voir et dégagée par un nuage, la cime du Kuchang est suspendue comme une île dans les étendues bienheureuses, et, ne pensant rien d’autre, je marche la tête isolée de mon corps, comme un homme que l’acidité d’un parfum trop fort rassasie.