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LE BANYAN


Le banyan tire.

Ce géant ici, comme son frère de l’Inde, ne va pas ressaisir la terre avec ses mains, mais, se dressant d’un tour d’épaule, il emporte au ciel ses racines comme des paquets de chaînes. À peine le tronc s’est-il élevé de quelques pieds au-dessus du sol qu’il écarte laborieusement ses membres, comme un bras qui tire avant le faisceau de cordes qu’il a empoigné. D’un lent allongement le monstre qui hale se tend et travaille dans toutes les attitudes de l’effort, si dur que la rude écorce éclate et que les muscles lui sortent de la peau, Ce sont des poussées droites, des flexions et des arcs-boutements, des torsions de reins et d’épaules, des détentes de jarret, des jeux de cric et de levier, des bras qui, en se dressant et en s’abaissant, semblent enlever le corps de ses jointures élastiques. C’est un nœud de pythons, c’est une hydre qui de la terre tenace