Page:Claudel - Connaissance de l’est larousse 1920.djvu/65

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Ce lieu, après tout, est habité, et tandis qu’assis sur la balustrade où sèchent les linges domestiques j’enfonce la dent et les doigts dans l’écorce épaisse d’une pamplemousse dérobée aux offrandes, le vieux moine à l’intérieur me prépare une tasse de thé.

Ni l’inscription au-dessus de la porte, ni les idoles dilapidées qu’au fond de cette humble caverne honore la fumée d’un mince encens ne me paraissent constituer la religion du lieu, ni ce fruit acide où je mords. Mais là, sur cette basse estrade qu’entoure une mousseline, ce paillasson circulaire où le Bhiku viendra tout à l’heure s’accroupir pour méditer ou dormir est tout.

Ne comparerai-je pas ce vaste paysage qui s’ouvre devant moi jusqu’à la double enceinte des monts et des nuages à une fleur dont ce siège est le cœur mystique ? N’est-il pas le point géométrique où le lieu, se composant dans son harmonie, prend, pour ainsi dire, existence et comme conscience de lui-même, et dont l’occupant unit dans la contemplation de son esprit une ligne et l’autre ?

Le soleil se couche. Je gravis les marches de velours blanc que jonchent les pommes de pin ouvertes, telles que des roses.