Page:Claudel - La Messe là-bas, 1919.djvu/61

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Comment fera-t-il pour mourir, celui que j’ai admis jusqu’à mon être ?

Où sont tes mains qui ne soient les miennes ? et tes pieds qui ne soient à la même croix fixés ? où est toi, qui ne m’écoute ?

Je suis mort et je suis ressuscité une fois pour toutes !

Nous sommes très près l’un de l’autre et il nous devient de plus en plus difficile d’être ailleurs.

Comment faire pour te séparer de moi sans que tu m’arrache le cœur ? » —

Que fait l’âme cependant qui depuis sa naissance a compris que le bonheur était son seul devoir,

Et qui de la jointure de ses os vers celui qu’elle sent dans la nuit élève ce cri plein de tendresse et de désespoir !

Elle est comme une femme inopinément dont les vœux sont accomplis,

Et qui tend avidement l’oreille, et cependant elle voudrait être ailleurs, et qui se trouble et qui rougit.

Que faire quand elle s’aperçoit qu’à tous les moments de sa vie, les plus secrets et les plus deshonorants

Elle a fait participer l’image du Dieu vivant ?

Elle est comme une femme sur son lit d’hôpital jadis belle et qui essaye encore

A l’amant qui l’a demandée de cacher ce côté de sa face que le lupus dévore.