Page:Claudel - Le Pain dur, 1918.djvu/54

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Turelure

Il ne tient qu’à vous d’en retrouver un autre à la place, mon petit soldat !

Lumîr

Je ne vous entends pas.

Turelure, larmoyant.

Écoutez-moi, Mademoiselle. Je suis vieux. J’ai besoin d’un sentiment. Pardonnez à mon émotion.

Lumîr

Que vous êtes drôle ! (Elle sourit)

Turelure

Je suis comme la France. Personne ne me comprend !

Lumîr

Mais pourquoi voulez-vous que je vous comprenne ?

Turelure

Est-ce ma faute si je suis Pair de France, et Comte, et Maréchal, et Grand Officier de je ne sais quoi, et Président de ça, et Ministre de ceci, et le diable sait quoi !

Croyez-vous que je n’aimerais pas mieux autre chose ?

Ce n’est pas moi qui suis fort et méchant, c’est les autres qui sont si bêtes et si tristes, et qui vous donnent tout avant qu’on leur demande !