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claudine à l’école

— Un trente-et-un, voyons !

Allons bon ! les deux Jaubert ne savent pas jouer ! Eh bien, qu’elles continuent à réfléchir sur la fragilité de la destinée humaine ; nous cartonnerons, nous autres, pendant que Mademoiselle lit les journaux.

On s’amuse, on joue mal. Anaïs triche. Et parfois nous nous arrêtons au milieu de la partie, les coudes sur la table, le visage tendu, pour questionner : « Quelle heure peut-il être ? »

Marie émet cette idée que, puisqu’il fait nuit, on ne pourra pas lire les noms ; il faudrait emporter des allumettes.

— Bête ! il y aura des réverbères.

— Ah oui… Mais s’il n’y en avait pas à cet endroit-là, justement ?

— Eh bien, dis-je tout bas, je vais voler une bougie aux flambeaux de la cheminée, et tu porteras des allumettes. Jouons… Le misti et deux as !

Mlle Sergent tire sa montre ; nous ne la quittons pas des yeux. Elle se lève ; nous l’imitons si brusquement que des chaises tombent. Reprises d’emballement, nous dansons vers nos chapeaux, et en me regardant dans la glace pour coiffer le mien, je chipe une bougie.

Mlle Sergent se donne une peine inouïe pour nous empêcher de courir ; des passants rient à cette ribambelle qui s’efforce de ne pas galoper, et nous rions aux passants. Enfin, la porte brille à nos yeux. Quand je dis brille, je fais de la littérature.