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claudine à l’école

pour cause de « faiblesse générale ». Ce que la grande Anaïs va se pavaner, parler de l’École Normale comme si c’était une propriété de rapport, peuh ! Je n’ai pas assez d’épaules pour les lever.

Les examinateurs reparaissent enfin ; ils s’épongent, ils sont laids et luisants. Dieu ! je n’aimerais pas être mariée par ce temps-là ! Rien que l’idée de coucher avec un monsieur qui aurait chaud comme eux… (D’ailleurs, l’été, j’aurai deux lits)… Et puis dans cette salle surchauffée, l’odeur est affreuse ; beaucoup de ces petites filles sont mal tenues en dessous, sûrement. Je voudrais bien m’en aller !

Affalée sur une chaise, j’écoute vaguement les autres en attendant mon tour ; je vois celle, heureuse entre toutes, qui « a fini » la première. Elle a subi toutes les questions, elle respire, elle traverse la salle, escortée des compliments, des envies, des « tu en as une chance ! » Bientôt une autre la suit, la rejoint dans la cour, où les « délivrées » se reposent et échangent leurs impressions.

Le père Sallé, détendu un peu par ce soleil qui chauffe sa goutte et ses rhumatismes, se repose, forcément, car l’élève qu’il attend est occupée ailleurs ; si je risquais une tentative sur sa vertu ! Doucement je m’approche et je m’assieds sur la chaise en face de lui.

— Bonjour, monsieur Sallé.

Il me regarde, assure ses lunettes, clignote et ne me voit pas.