Page:Claudine a l'Ecole.pdf/326

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Et puis, je m’affermis tout de suite et je continue, détaillant la prose où Rabastens se porte garant de notre « inébranlable attachement aux institutions républicaines », aussi tranquille, maintenant, que si je récitais, en classe, la Robe d’Eugène Manuel. D’ailleurs, le trio officiel ne m’écoute pas ; le Ministre songe qu’il meurt de soif, les deux autres grands personnages échangent tout bas des appréciations :

— Monsieur le Préfet, d’où sort donc ce petit portrait ?

— N’en sais rien, mon général, elle est gentille comme un cœur.

— Un petit primitif (lui aussi !) si elle ressemble à une fille du Fresnois, je veux qu’on me…

« Veuillez accepter ces fleurs du sol maternel ! » terminé-je en tendant mon bouquet à Son Excellence.

Anaïs, pincée comme toutes les fois qu’elle vise à la distinction, passe le sien au préfet, et Marie Belhomme, pourpre d’émoi, offre ses fleurs au général.

Le Ministre bredouille une réponse où je saisis les mots de « République… sollicitude du gouvernement… confiance dans l’attachement » ; il m’agace. Puis il reste immobile, moi aussi ; tout le monde attend, quand Dutertre se penchant à son oreille lui souffle « Faut l’embrasser, voyons ! »

Alors il m’embrasse, mais maladroitement (sa barbe rêche me pique). La fanfare du chef-lieu