Page:Claudine a l'Ecole.pdf/328

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ce matin ! » La grande Anaïs oppose aux moqueries un silence dédaigneux ; Marie Belhomme s’énerve ; je me retiens tant que je peux d’ôter un de mes souliers découverts pour l’appliquer sur la figure de la plus rosse des Jaubert qui m’a sournoisement bousculée.

Le ministre, escorté du général, du préfet, d’un tas de conseillers, de secrétaires, de je ne sais pas bien quoi (je connais mal ce monde-là) qui fendent la foule, a gravi l’estrade et s’installe dans le beau fauteuil trop doré que le maire a tiré de son salon tout exprès. (Maigre consolation pour le pauvre homme cloué chez lui par la goutte en ce jour inoubliable !) Monsieur Jean Dupuy sue et s’éponge ; qu’est-ce qu’il ne donnerait pas pour être à demain ! Au fait, on le paye pour ça… Derrière lui, en demi-cercles concentriques, s’asseyent les conseillers généraux, le conseil municipal de Montigny… tous ces gens en nage, ça ne doit pas sentir très bon… Eh ! bien, et nous ? C’est fini, notre gloire ? On nous laisse là en bas, sans que personne nous offre seulement une chaise ? Trop fort ! « Venez, vous autres, on va s’asseoir. » Non sans peine nous nous ouvrons un passage jusqu’à l’estrade, nous le drapeau, et toutes les porte-fanions. Là, tête levée, je hèle à demi-voix Dutertre qui bavarde, penché au dossier de Monsieur le Préfet, tout au bord de l’estrade : « Monsieur ! Hé, Monsieur !… Monsieur Dutertre, voyons… Docteur ! » Il entend cet appel-là mieux que les au-