Page:Claudine a l'Ecole.pdf/341

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me seyait, que mes cheveux et ma couronne me faisaient une petite figure pas méprisable du tout, — mais les regards sournois, les physionomies soudainement figées des jeunes filles qui se reposent et s’éventent m’en rendent certaine, et je me sens mieux à mon aise. Je peux examiner la salle sans crainte.

Les « habits noirs », ah ! ils ne sont pas nombreux ! Tout le cortège officiel a pris le train de six heures ; adieu ministre, général, préfet et leur suite. Il reste juste cinq ou six jeunes gens, secrétaires quelconques, gentils d’ailleurs et de bonne façon, qui, debout dans un coin, paraissent s’amuser prodigieusement de ce bal comme, à coup sûr, ils n’en virent jamais. Le reste des danseurs ? Tous les gars et les jeunes gens de Montigny et des environs, deux ou trois en habit mal coupé, les autres en jaquette ; piètres accoutrements pour cette soirée qu’on a voulu faire croire officielle.

Comme danseuses rien que des jeunes filles, car, en ce pays primitif, la femme cesse de danser sitôt mariée. Elles se sont mises en frais, ce soir, les jeunesses ! Robes de gaze bleue, de mousseline rose, qui font paraître tout noirs ces teints vigoureux de petites campagnardes, cheveux trop lisses et pas assez bouffants, gants de fil blanc, et, quoi que prétendent les commères de la porte, pas assez de décolletage ; les corsages s’arrêtent trop tôt, là où ça devient blanc, ferme et rebondi.