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claudine à l’école

grande ombre qui se promenait sous ma fenêtre, dans ce froid ; devinez qui c’était ?

— Un des deux, pardi.

— Oui ! mais c’était Armand ; l’auriez-vous cru, de ce sauvage ?

Je réponds que non ; mais je l’aurais très bien cru, au contraire, de ce grand être noir, aux yeux sérieux et sombres, qui me paraît beaucoup moins nul que le joyeux Marseillais. Cependant je vois la tête d’oiseau de Mlle Aimée déjà envornée[1] sur cette mince aventure et j’en suis un peu triste. Je lui demande :

— Comment ? Vous le trouvez déjà digne d’un si vif intérêt, ce corbeau solennel ?

— Mais non, voyons ! ça m’amuse seulement.

C’est égal, la leçon se termine sans autre expansion. En sortant, seulement, dans le corridor noir, je l’embrasse de toute ma force, sur son cou mignon et blanc, dans ses petits cheveux qui sentent bon. Elle est amusante à embrasser comme un petit animal chaud et joli, et me rend mon baiser tendrement. Ah ! je la garderais bien tout le temps près de moi, si je pouvais !

Demain, c’est dimanche, pas d’école, quelle scie ! je ne m’amuse que là.

Ce dimanche-là, je suis allée passer l’après-midi à la ferme qu’habite Claire, ma douce et gentille

  1. Envornement, l’étourdissement.