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claudine à l’école

faisant la même faute ! Dire que, depuis trois mois, elle chante sa polka à contre-mesure ! Rabastens s’interpose, patient et discret.

— Permettez, mademoiselle Belhomme, veuillez battre la mesure en même temps que moi.

Il lui a pris le poignet et lui conduit la main.

— Vous allez mieux comprendre ainsi : Un, deux, deux, un… Eh bien ! chantez donc !

Elle n’a pas commencé du tout, cette fois ! Cramoisie à cause de ce geste inattendu, elle a complètement perdu contenance. Je m’amuse beaucoup. Mais le beau baryton, très flatté du trouble de la pauvre linotte se ferait scrupule d’insister. La grande Anaïs a les joues gonflées de rires retenus.

— Mademoiselle Anaïs, je vous prie de chanter cet exercice, pour montrer à Mlle Belhomme comment il doit être interprété.

Elle ne se fait pas prier celle-là ! Elle roucoule son petit machin « avec âme » en portant la voix aux notes élevées, et pas trop en mesure. Mais quoi, elle le sait par cœur, et sa façon un peu ridicule de solfier comme si elle chantait une romance plaît au méridional qui la complimente. Elle essaie de rougir, ne peut pas, et se borne, faute de mieux à baisser les yeux, se mordre les lèvres et pencher la tête.

Je dis à Rabastens : « Monsieur, voulez-vous faire répéter quelques exercices à deux voix ? Quoi que j’aie pu faire, elles ne les savent pas du tout. »

Je suis sérieuse, ce matin, d’abord parce que je