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chap. xvi. — du temps d’arrêt.

peuvent parfois si puissamment influencer la direction d’une guerre, que celle-ci se réduise aux proportions d’une demi-mesure. C’est ainsi, par exemple, que souvent une guerre en arrive à n’être qu’une neutralité armée, une simple démonstration dans l’intention d’appuyer des négociations, une prise de gages légers dans le but de préparer l’avenir, ou, enfin, une obligation d’alliance aussi désagréable à remplir que mesquinement accomplie.

Dans toutes ces circonstances les intérêts en jeu sont si faibles, le principe d’hostilité si peu développé, on cherche si peu à nuire, on a si peu à craindre, on n’éprouve, en un mot, qu’une si faible incitation à l’action, que la direction de la guerre perd de part et d’autre tout instinct d’impétuosité.

Plus la guerre en arrive à ces proportions, moins les règles de la théorie y deviennent applicables et plus le hasard y prend d’autorité.

On ne saurait nier cependant que dans ces conditions il ne soit possible d’imprimer à la guerre une direction prudente et sage, voire même peut-être plus étendue et plus variée qu’alors que l’action comporte plus d’énergie ; toujours est-il qu’il ne semble plus ici s’agir de ces grands jeux de hasard auxquels on n’apporte que des rouleaux d’or comme enjeux, mais bien de ces petites opérations de coulisses et de halles dont la monnaie de billon fait tous les frais. Dès que la guerre prend cette direction, en effet, on a recours aux enjolivures, aux bagatelles de la porte, aux parades et aux fantasias pour occuper la galerie et lui faire passer le temps. Ce ne sont que combats d’avant-postes, mi-plaisants et mi-sérieux, longues dispositions qui ne mènent à rien, prises de positions et marches qu’on a soin, après coup, de présenter comme savantes, parce que la cause mesquine qui les a fait entreprendre s’est évanouie pendant