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de la stratégie en général.

à s’opposer à la réalisation de ce projet, l’état de repos cesse et fait place à une tension qui se prolonge jusqu’à ce que décision s’ensuive, c’est-à-dire jusqu’à ce que, en raison des combinaisons de combats qui en résultent, l’un des adversaires ait atteint son but ou que l’autre ait renoncé à l’en empêcher.

À cette décision succède soit une tension nouvelle avec décision consécutive, soit un nouveau temps d’arrêt et de repos ; mais, le plus habituellement, les deux états se présentent dans une alternative régulière.

Cette distinction spéculative a plus de valeur, dans l’espèce, qu’on ne le pourrait d’abord supposer, car, selon que l’action se produit dans l’état de repos ou dans l’état de tension, ses effets sont essentiellement différents.

Dans l’état de repos et d’équilibre, des engagements, des combats sérieux, de grandes batailles même peuvent surgir ; mais, quel que soit le degré d’intensité auquel on les porte, ces actions nées de causes accidentelles et ne se rattachant pas à l’idée d’un grand changement n’ont qu’un caractère circonstanciel et ne peuvent, par suite, amener que des effets restreints et spéciaux.

Dans l’état de tension, au contraire, le but étant déterminé, la volonté précise et la nécessité d’agir impérieuse, la décision a une tout autre portée et produit des résultats bien autrement effectifs.

Dans le premier cas c’est une masse de poudre qui s’enflamme en plein air sans causer de grands dégâts ; dans le second c’est une mine puissamment chargée qui éclate avec fracas et porte au loin ses ravages.

Il va de soi d’ailleurs que, parfois très voisin de l’état de repos, l’état de tension peut passer par toutes les nuances et présenter bien des degrés différents d’intensité.