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le combat.

absolument nouvelle à l’énergie de l’action. Dans les guerres précédentes, la direction paralysée par des préjugés et maintenue dans les limites les plus étroites par des restrictions conventionnelles, ne visait guère qu’à l’honneur de vaincre et au prestige des armes. L’anéantissement des forces armées de l’ennemi n’étant dès lors considéré que comme l’un des nombreux mais non comme le suprême et encore moins comme l’unique des moyens d’arriver aux fins de la guerre, il suffisait que l’un des adversaires abaissât son épée, pour que l’autre se déclarât satisfait et remit la sienne au fourreau. Dès que la décision se prononçait dans une bataille, il semblait donc naturel que le vainqueur s’en contentât, et on regardait toute effusion consécutive de sang comme une cruauté inutile. Cette fausse et sentimentale philosophie ne motivait peut-être pas à elle seule la détermination, mais elle ouvrait la porte et donnait du poids à une foule de considérations paralysantes, telles que la fatigue des troupes, leur besoin de repos et les difficultés que présentait la poursuite.

Sans doute il convient d’autant mieux de ménager ses instruments qu’on n’en dispose pas d’autres, puisqu’il s’agit ici d’une victoire remportée dans une bataille générale, et que d’ailleurs, ainsi qu’il en est toujours dans la progression de l’offensive, il est à prévoir que le moment se présentera où ces instruments auront grand’peine à suffire à leur tâche ; mais ici le calcul est faux cependant, en ce que, dans une poursuite, les pertes du vainqueur ne peuvent être qu’incomparablement plus faibles que celles du vaincu.

Ainsi s’explique que dans les guerres de cette époque on ne voit que des héros tels que Charles XII, Marlborough, Eugène et Frédéric II, ajouter aux effets d’une victoire déjà décisive, par elle-même la toute-puissance d’une poursuite énergique, tandis que la