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de la stratégie en général.

réaliser l’anéantissement des forces armées et le renversement de la puissance de l’ennemi, que ces combats aient lieu réellement, ou que, étant offerts, ils soient refusés par l’adversaire.


Double but du combat.


Ces effets, d’ailleurs, sont de deux sortes : directs lorsque l’on se propose la destruction immédiate des forces armées de l’ennemi ; ils sont indirects en tout autre cas, alors, par exemple, que, pour arriver plus sûrement à ce résultat, on ne vise, tout d’abord, qu’un but intermédiaire qui y conduira par un détour. Un combat peut directement tendre à la possession d’une province, d’une ville, d’une place forte, d’une route, d’un magasin, etc., etc., sans que ce soit jamais là son but final. On cherche ainsi à augmenter ses propres moyens en amoindrissant ceux de l’ennemi, afin d’en arriver à lui offrir le combat dans des conditions telles, qu’il lui soit impossible de l’accepter. Ce ne sont donc là que des actions transitoires, intermédiaires, et qui, comme telles, ne tendent pas au résultat effectif et ne sauraient y conduire, mais qui l’appuient et y aident.


Exemples.


Lorsqu’en 1814 Paris fut pris, les dissensions politiques, qui avaient leurs germes dans la capitale, se firent jour et renversèrent la puissance impériale. À juger l’événement au point de vue de l’histoire, ce n’est cependant pas au changement de gouvernement qu’il faut attribuer la conclusion de la paix. Par le fait seul de l’entrée des Alliés à Paris, le but de la guerre était atteint et la paix inévitable. La prise de sa capitale avait subitement privé l’Empereur de ressources considérables, et ce que cet événement enlevait ainsi de puissance à la résistance, il le donnait précisément, par contre, aux Alliés, en moyens d’action pour continuer la lutte. C’est cette impossibilité de résistance consécutive qui imposa la paix à la France. Qu’on suppose, en effet, que d’autres causes extérieures eussent, à la même époque, fait éprouver aux Alliés une diminution de forces égale à celle que la prise de Paris entraînait pour l’Empereur, et l’on comprend que toute l’importance et tous les effets de ce grand événement se fussent aussitôt évanouis.

Nous avons parcouru cette série de considérations pour faire ressortir le seul point de vue rationnel d’où se dégage tout ce qui a vraiment de l’importance à la guerre, et nous concluons en disant que, d’un bout à l’autre d’une guerre ou d’une campagne, il faut se demander quel sera le résultat vraisemblable des combats et des batailles