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les forces armées.

dut bientôt reconnaître que cette manière d’opérer exerçait une influence très préjudiciable à la bonne direction des opérations, car tout d’abord on ne pouvait vraiment agir ainsi qu’en pays ennemi, puis en fourrageant on appauvrissait promptement la contrée que l’on occupait, et il était impossible par suite, et quelle qu’en fût d’ailleurs la nécessité, de s’y maintenir un peu longtemps. Aussi voyons-nous que dès les guerres de Silésie on eût bien moins fréquemment recours aux fourrages au vert. On s’était en effet rendu compte que l’on épuisait bien plus vite une province par cette méthode, qu’en exigeant simplement des habitants qu’ils livrassent les quantités de fourrage dont on avait besoin.

Lorsque la Révolution française fit apparaître tout à coup l’élément populaire sur la scène de la guerre, les gouvernements ne disposèrent plus de moyens administratifs suffisants, et tout le système de guerre qui avait été basé sur les moyens limités que nous venons d’exposer et qui n’avait précisément trouvé sa solidité que dans cette limitation même, s’écroula, entraînant naturellement dans sa chute le système d’entretien dont il s’agit ici. Sans prendre désormais plus de soucis des magasins que de cette organisation compliquée qui fait fonctionner les diverses sections du service du train comme un système de roues dentées, les chefs de la Révolution française se contentèrent de mettre leurs soldats en campagne et de pousser leurs généraux au combat, en ne laissant aux armées d’autres moyens de subsistance que l’exigence, le vol et le pillage de tout ce qui leur était nécessaire.

Jusqu’en 1815 les guerres se sont maintenues de part et d’autre entre ces deux systèmes. Bonaparte a tantôt fait usage du mode administratif, tantôt de celui des fournitures sur place, parfois de tous deux à la fois. Il