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chap. viii. — supériorité numérique.

Cependant la supériorité numérique a ses degrés ; on se la peut représenter double, triple, quadruple. On comprend que, ainsi progressante, elle en arrive à tout primer.

Dans ces conditions on ne saurait nier que la supériorité numérique ne soit le plus important agent du résultat dans un combat, mais encore faut-il toujours qu’elle soit assez grande pour balancer l’action réunie de tous les autres agents.

Il ressort de ces considérations que l’on doit porter au combat sur le point décisif, le plus grand nombre possible de troupes. Que ces troupes suffisent alors ou non, on n’aura, du moins, rien à se reprocher, puisque l’on aura ainsi tiré parti de tous les moyens dont on disposait. Tel est le premier principe en stratégie.

Exprimé dans des termes aussi généraux, ce principe ne conviendrait pas moins à des Grecs qu’à des Perses, à des Anglais qu’à des Indiens, à des Français qu’à des Allemands.

Jetons cependant les yeux sur l’état actuel de nos rapports militaires en Europe, et cherchons à en tirer quelque chose de plus précis pour nous. Ici nous ne voyons partout que des armées ayant à peu près le même armement, la même organisation et, dans toutes les branches du métier, la même instruction. Il ne se présente, en somme, d’alternative variable que dans les vertus guerrières des troupes et les talents des généraux en chef. On chercherait inutilement dans toute l’histoire des temps modernes, un exemple semblable à celui de Marathon.

À Leuthen, le grand Frédéric, avec environ 30 000 hommes, bat 80 000 Autrichiens ; avec 25 000, à Rosbach, il défait 50 000 Impériaux et Français. Tels sont les deux seuls exemples de victoires remportées sur des adversaires deux ou plus de deux fois supérieurs en