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Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, I.djvu/79

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de la stratégie en général.

désormais inhabiles à rétablir l’équilibre perdu. Il n’est pas d’exemple d’une armée battue qui, le jour suivant, ait été ramenée à la victoire par de fortes réserves.

Nous nous trouvons ici à l’origine d’une différence essentielle entre la tactique et la stratégie.

C’est au courant du combat et avant qu’il ait pris fin, pendant la période de désordre, de désunion et d’affaiblissement qui en est, de part et d’autre, l’inévitable conséquence, que se produisent la plupart des résultats tactiques, tandis que c’est précisément alors que le succès fait cesser cet état de crise, que se réalisent les résultats stratégiques, c’est-à-dire le résultat total du combat, victoire ou défaite, qu’elle qu’en soit d’ailleurs la grandeur. Ce n’est, en d’autres termes, qu’alors que les résultats partiels obtenus dans l’action directe se réunissent en un tout indépendant, autonome, substantif, qu’apparaît enfin le résultat stratégique ; mais alors la crise cesse, l’ordre et l’union se rétablissent, les troupes se reforment et ne se trouvent plus affaiblies que des pertes effectives qu’elles ont subies pendant le combat.

C’est en raison de cette différence que tandis que la stratégie doit recourir à l’emploi simultané des forces, la tactique peut ne les mettre que successivement en action.

Dans la tactique, en effet, l’action se décomposant en une série d’engagements secondaires, on a, dans la recherche de chaque résultat partiel, à se préoccuper du résultat suivant. Il faut donc, ne portant à chaque engagement que le nombre de troupes qui y est strictement nécessaire, conserver le reste en réserve hors de la portée du feu, afin d’être en mesure d’opposer des forces fraîches aux forces nouvelles que l’ennemi pourra engager dans le combat, et de l’écraser, en dernier ressort, lorsqu’il commencera à faiblir.