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Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, I.djvu/82

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chap. xii. — union des forces dans le temps.

armée conservée de toutes pièces en dehors de l’action militaire, apportera, à son entrée en campagne, une valeur supérieure à celle d’une armée déjà aguerrie. Il est vrai que le courage et la force morale des troupes diminuent dans les revers ; mais, par contre, ces qualités grandissent dans le succès. Or, dans la généralité des cas, les alternatives de la campagne font que ces effets se neutralisent et que, par suite, l’habitude de la guerre demeure le seul gain véritable. Il n’y a guère d’ailleurs, à tenir compte à ce sujet que des campagnes heureuses, car dès que la défaite devient vraisemblable, les forces paraissent déjà insuffisantes, et, par suite, il n’y a plus à songer à en réserver une partie pour les consacrer à un usage ultérieur.

Ajoutons à cela que, à l’inverse de ce qui a lieu pour les pertes dans le combat, les pertes qu’amènent les fatigues, les efforts et les privations dans les opérations stratégiques, n’augmentent pas proportionnellement à l’élévation de l’effectif des troupes qui prennent part à ces opérations. Les fatigues et les efforts, en effet, résultent en grande partie des dangers incessants dont l’acte de la guerre est toujours plus ou moins pénétré. Parer partout à ces dangers de façon à progresser sûrement vers le but à atteindre, exige une série ininterrompue de dispositions et de mesures dont l’ensemble constitue le service tactique et stratégique de l’armée. Or ce service impose nécessairement d’autant moins de fatigues et d’efforts que les troupes qui y doivent concourir sont plus nombreuses, et qu’on dispose de plus de supériorité sur l’ennemi. Quant aux privations, elles résultent généralement de l’insuffisance des vivres et de la difficulté de répartir les troupes, sinon à l’abri dans des cantonnements, du moins dans des camps suffisamment confortables. Or, bien que ce double problème paraisse d’autant moins soluble que sont plus nombreuses les