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la défensive.

Remontant lui-même aux causes premières de cette signification, c’est-à-dire aux relations que les points fortifiés ont avec la contrée où ils sont situés et avec l’armée qui occupe cette contrée, le défenseur crut de son côté ne pouvoir apporter trop de soin, de science abstraite et d’expérience à la fixation de ces points, et l’on en arriva ainsi à l’idée de forteresses ne contenant parfois plus ni ville ni habitants.

Il est vrai qu’en raison de l’exiguïté des États entre lesquels les peuples étaient alors partagés, ainsi que de la nature du recrutement de leurs armées, composées soit de contingents féodaux qui devaient rentrer dans leurs foyers à de certaines époques déterminées, soit de condottieri dont la solde épuisait promptement le trésor public, les attaques n’avaient qu’une durée périodique à peu près marquée par le changement des saisons, et que, par suite, il suffisait généralement d’un point défendu par un simple mur d’enceinte pour maintenir toute une portion de territoire à l’abri du fléau qui dévastait le pays environnant.

La création des grandes armées permanentes mit un terme à cet état de choses. La puissante artillerie, dont l’attaque se fit dès lors accompagner, rendit absolument illusoire l’action des points isolés faiblement fortifiés. Les centres habités ne s’avisèrent plus de mettre leurs forces en jeu pour produire une résistance de quelques jours, de quelques semaines peut-être, mais dont le résultat ne pouvait être, en somme, que d’exposer la population à un traitement plus rigoureux de la part du vainqueur. La défense reconnut enfin que son intérêt ne pouvait être de disséminer ses troupes dans une quantité de places plus ou moins fortes, qui, tout en retardant quelque peu les progrès de l’invasion, devaient nécessairement finir par succomber, mais qu’il fallait au contraire, à moins qu’on ne comptât