Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, III.djvu/167

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
164
le plan de guerre.

disons-nous, afin d’indiquer par là que, loin de cesser ou de se modifier par la guerre, le commerce politique, quels que soient d’ailleurs les moyens employés, persiste dans son essence même et détermine, d’un bout à l’autre des opérations, les lignes générales suivant lesquelles les événements de la guerre se poursuivent et auxquelles ils se rattachent. Il ne saurait en être autrement, et jamais la cessation des notes diplomatiques n’a entraîné l’interruption des rapports politiques entre les gouvernements et les peuples. La guerre n’a jamais été qu’un moyen plus énergique d’exprimer la pensée politique dans un langage qui, s’il n’a pas sa logique propre, a du moins sa grammaire à lui.

On voit par là que la guerre ne doit jamais être séparée du commerce politique, et que, lorsque le fait vient à se produire, il entraîne en quelque sorte la rupture de tous les rapports, ce qui conduit à un état de choses irrationnel et sans but.

C’est de cette manière qu’il faudrait même se représenter la guerre si, manifestation de la haine la plus sauvage entre deux peuples, elle pouvait jamais en arriver à l’extrême absolu de son concept. En effet, la puissance des États opposés, leurs alliances, le caractère des deux gouvernements, celui des deux peuples et tous les éléments qui entrent dans le calcul d’une guerre et en déterminent les lignes principales se tiennent en relations si intimes avec le commerce politique que, dans ces conditions même, il serait impossible de les en séparer. Dans la réalité, cependant, cette manière de se représenter la guerre est encore plus logique, car, restant toujours de bien loin en deçà de son concept absolu, elle ne constitue dès lors qu’une action incomplète et contradictoire en soi, et, comme telle, reste soumise à la politique dont elle ne peut être que l’instrument.