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chap. ix. — renversement de l’ennemi.

autant que possible à un seul. Il faut ensuite s’efforcer de réunir, en vue d’une action décisive contre ce centre de gravité unique, toutes les forces qui y peuvent être employées.

Les motifs suivants peuvent seuls justifier ici le partage des forces et leur action séparée :


1o L’éloignement des points de première formation des forces des divers États coalisés pour l’attaque, et, par conséquent, la situation géographique de ces États.


Lorsque la concentration entraînerait des temps d’arrêt pour les uns, des détours pour les autres et de la perte de temps pour tous, si l’on n’a pas à craindre de s’exposer à de trop grands dangers en portant en avant les forces suivant des directions séparées, il le faut faire, car en agissant autrement on contreviendrait au second des deux principes fondamentaux que nous avons posés au début. Dès que l’on peut espérer surprendre l’ennemi par l’inattendu ou par la rapidité de l’offensive, il faut tout particulièrement tenir compte de cette manière de procéder à la première attaque.

La chose devient plus importante encore quand, au lieu d’être placés les uns derrière les autres sur la direction de l’État à attaquer, les États coalisés se trouvent les uns à côté des autres et lui font face. Si la Prusse et l’Autriche, par exemple, se coalisaient contre la France, réunir leurs armées avant de se porter à l’attaque serait perdre du temps et des forces et prendre les dispositions les plus fausses. La direction naturelle de ces deux puissances vers le cœur de la France part, en effet, du Rhin inférieur pour la Prusse, et du Rhin supérieur pour l’Autriche. La concentration des forces exigerait donc ici des sacrifices dont on chercherait vainement à s’expliquer la nécessité.