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Page:Cleland - La Fille de joie (éd. 1786).djvu/122

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ſuivie de convulſions ſi terribles, que je perdis, en me débattant, l’innocent & déplorable gage de notre amour. Je ne conçois pas, quand je me le rappelle, que j’aie pu réſiſter à tant de calamités & de douleurs. Quoiqu’il en ſoit, à force de ſoins on me conſerva une odieuſe vie, qui, à la place de cette félicité inexprimable dont j’avois joui juſqu’alors, ne m’offrit tout-à-coup que des horreurs & de la miſere.

Je reſtai pendant ſix ſemaines appellant en vain la mort à mon ſecours. Ma grande jeuneſſe & mon tempérament robuſte prirent inſenſiblement le deſſus ; mais je tombai dans un état de ſtupidité & de déſeſpoir qui faiſoit craindre que je ne devînſſe folle. Néanmoins le tems adoucit, petit à petit, la violence de mes peines & en émouſſa le ſentiment.

Mon obligeante hôteſſe avoit eu ſoin, pendant tout cet intervalle, que je ne manquaſſe de rien ; & quand elle me crut