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Page:Cleland - La Fille de joie (éd. 1786).djvu/248

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fruits. Comme j’avois un air modeſte, & que je gardois le decorum le plus honnête, il ne put ſoupçonner la condition dont j’étois. Il me parla enfin, ce qui jetta un rouge apparent de pudeur ſur mes joues, & je répondis ſi ſottement à ſes demandes, qu’il lui fut plus que jamais impoſſible de juger de la vérité ; ce qui fait bien voir qu’il y a une certaine ſorte de prévention dans l’homme, qui, lorſqu’il ne juge que par ſes premieres idées, le mêne ſouvent d’erreur en erreur, ſans que la grande ſageſſe s’en apperçoive. Parmi les queſtions qu’il me fit, il me demanda ſi j’étois mariée ? je répondis que j’étois trop jeune pour y penſer encore. Quant à mon âge, je jugeai ne devoir me donner que dix-ſept ans. Pour ce qui regardoit ma condition, je lui dis que j’avois été à Preſton, dans une boutique de modes, & que préſentement j’exerçois le même métier à Londres. Après qu’il eut ſatisfait avec adreſſe, comme il le penſoit, à ſa curioſité, & qu’il eut appris