Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/12

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un trait rapporté par Casanova, qui visita Londres quelques années après la publication du livre de Cleland :

« Tout à coup, aux environs de Buckingham-House, j’aperçus à ma gauche cinq ou six personnes dans les broussailles qui satisfaisaient un besoin impérieux et qui tournaient le derrière aux passants. Cette position me parut d’une indécence révoltante et j’en témoignai mon dégoût à Martinelli, en lui disant que ces déhontés devraient au moins tourner leur face aux passants.

« — Nullement, s’écria-t-il, car alors on les reconnaîtrait peut-être, et à coup sûr on les regarderait ; tandis qu’en exposant leur postérieur, ils ne courent point le danger d’être connus, et qu’en outre ils forcent les gens tant soit peu délicats à se détourner.

« — J’approuve votre raisonnement, mon cher ami, mais vous trouverez naturel que cela révolte un étranger.

« — Sans doute, car les usages s’enracinent comme des préjugés. Vous aurez pu remarquer qu’un Anglais qui, dans la rue, a besoin de lâcher ses écluses ne va pas, comme chez nous, se cacher dans une allée, se coller contre une porte ou s’abriter contre une borne ?

« — Oui, j’en ai vu qui se tournent vers le milieu de la rue ; mais s’ils évitent ainsi la vue des gens qui passent sur le trottoir ou qui sont dans les boutiques, ils sont vus de ceux qui passent en voiture, et cela n’est pas bien.

« — Qui oblige ceux qui passent commodément en voiture à regarder là ?

« — C’est encore vrai. »

Les repas se passaient le plus souvent en silence, mais ce n’était pas une règle, et, dans les bonnes compagnies, la