Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/129

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

bout est un édifice avec un fronton supporté par dix colonnes. Plusieurs personnes vont voir les jardins le matin. On voit aussi la rotonde ; il n’en coûte qu’un schelling. »

Casanova rapporte à propos du Ranelagh une histoire qui montre bien ce qu’était ce fameux jardin et nous fait juger de la liberté des mœurs des dames anglaises du bon ton, en ce temps-là :

« Le soir, étant allé me promener au parc Saint-James, je me rappelai que c’était jour de Ranelagh, et, voulant connaître cet endroit, je pris une voiture et, seul, sans domestique, je m’y rendis dans le dessein de m’y amuser jusqu’à minuit et d’y chercher quelque beauté qui me plût.

« La rotonde du Ranelagh me plut ; je m’y fis servir du thé, j’y dansai quelques minutes ; mais point de connaissances ; quoique j’y visse plusieurs filles et femmes fort polies, de but en blanc je n’osais en attaquer aucune. Ennuyé, je prends le parti de me retirer ; il était près de minuit ; j’allai à la porte, comptant y trouver mon fiacre que je n’avais point payé ; mais il n’y était plus et j’étais fort embarrassé. Une très jolie femme, qui était sur la porte en attendant sa voiture, s’apercevant de mon embarras, me dit en français que, si je ne demeurais pas loin de Vaux-Hall, elle pourrait me conduire à ma porte. Je la remercie et, lui ayant dit où je demeurais, j’accepte avec reconnaissance. Sa voiture arrive, un laquais ouvre la portière et, s’appuyant sur mon bras, elle monte, m’invite à me placer à côté d’elle et ordonne qu’on arrête devant chez moi.

« Dès que je fus dans la voiture, je m’évertuai en expressions de reconnaissance et, lui disant mon nom, je lui témoignai le regret que j’éprouvais de ne l’avoir point vue à. la dernière assemblée de Soho-Square.