Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/197

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Néanmoins, il eut la complaisance de ne pas tenter si tôt la répétition d’une scène à laquelle je ne m’étais prêtée que machinalement et par un sentiment de gratitude. Content de s’être assuré ma jouissance, il voulut désormais s’en rendre digne par ses bons procédés et ne devoir rien à la violence.

La soirée étant déjà avancée, on vint mettre le couvert et j’appris avec joie que la Jones, dont l’aspect m’était devenu insupportable, ne serait pas des nôtres.

Pendant le souper, qui était fin et soigné, avec une bouteille de bourgogne et les accessoires sur un plateau, le gentleman, après avoir employé les discours les plus persuasifs que la tendresse puisse suggérer pour adoucir mes ennuis, me dit qu’il s’appelait H…, frère du comte de L…, que mon hôtesse l’avait engagé à me voir et que, m’ayant trouvée extrêmement aimable, il l’avait priée de lui procurer ma connaissance ; qu’en un mot il s’estimait trop heureux que la chose eût réussi selon ses désirs, et qu’il me protestait que je n’aurais jamais sujet de me repentir des complaisances que j’aurais pour lui.

Pendant qu’il me parlait ainsi, j’avais mangé deux ailes de perdrix et bu trois ou quatre verres de vin. Mais, soit qu’on y eût mêlé quelque drogue ou que sa vertu restaurative eût naturellement opéré sur mes sens, je me trouvai plus à mon aise et je commençai à ne plus regarder M. H… avec tant de froideur, quoique tout autre à sa place, dans de semblables circonstances, eût été le même pour moi.

Les afflictions ici-bas ont leurs bornes et ne sauraient être éternelles. Mon cœur, accablé jusqu’alors sous le poids des chagrins, se dilata par degrés et s’ouvrit à un faible rayon de contentement. Je répandis quelques larmes, elles me soulagèrent ; je soupirai, mes soupirs me rendirent la respiration plus libre ; je pris, sans être gaie, un air serein, une